La musique indienne – Master Class avec Prabhu Edouard

Batteur Extrême
 

J’écris cet article suite à ma participation à un atelier d’improvisation de musique indienne. L’organisateur était Prabhu Edouard un compositeur/percussionniste franco-indien. L’atelier a duré 3h/jour pendant 4 jours avec un concert à la fin, c’était très intense (-_-) mais aussi très instructif, je vous montre des vidéos à la fin…

Habitué au rock/électro, je ne connaissais pas du tout ce style de musique du coup c’était très compliqué pour m’adapter mais j’ai appris plein de choses et de nouveaux concepts que je vous dévoilerais.

J’ai essayé de faire un article sur la musique indienne à la fois le plus complet possible et le plus facile à comprendre pour tous :

 

Origine et caractéristiques de la musique indienne :

Présente dans les musiques religieuses (hindoue, islamique, sikhe) et folkloriques (bengalie, cachemirien kéralaise, rajasthanie).

La musique indienne est totalement différente de la musique occidentale, déjà par sa complexité et sa structure, mais aussi par son histoire lié à la religion et à la mythologie.


Selon la tradition indienne la musique est d’origine divine, le dieu Brahmâ a créé l’univers par le son.  Les premiers hymnes indiens remontent aux temps védiques et utilisaient 3 sons principaux pour former le Sâma Veda. La musique est soit destinée aux temples et aux dieux soit au divertissement et aux démons.


La musique indienne est orale, elle n’est jamais écrite et se transmet de génération en génération par les maîtres et ses disciples.

Elle se définie principalement par le raga (la mélodie) et le tala (le rythme). Comme en Occident, il y a des modes (thaats) sur lesquels la musique est jouée, avec une humeur et un sentiment à exprimer (tristesse, joyeux).

Elle est jouée dans plusieurs pays : l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Népal, le Sri-Lanka.

Cependant la structure de la musique n’est pas la même dans tous les pays, en fait il existe une séparation Nord/Sud qui engendrent une musique Hindoustanie (au nord) et Carnatique (au sud). Cela est dû à l’invasion mogholes entre le 13ème et 16ème siècle.

 

Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique.Platon

 

La musique indienne a développé l’un des systèmes métrique et rythmique le plus complexe et savant du monde (72 ragas, 10 thaats, 22 shruti, etc…), j’explique synthétiquement comment ça fonctionne un peu plus loin, vous inquiétez pas…

Elle se joue essentiellement en soliste, en général il y a un chanteur accompagné de joueurs d’autres instruments (tempura, percussionniste, sarangi, tampuri, ghatam, kanjira…). Elle peut aussi se jouer en duo dans laquelle 2 solistes s’opposent amicalement, ça s’appelle le Jugalbandi.

La musique indienne est tonale, c’est-à-dire qu’elle utilise une tonique fixe (note prédéterminé, par exemple à 440 Hz) qui est constamment maintenue tout au long du concert par un instrument (la tampura), on appelle ça le « Bourdon »  😆 

Sa structure est linéaire et mélodique (≠harmonique), c’est-à-dire que les notes sont jouées successivement.

Un concert Indien contient 3 éléments musicaux essentiels :

  1. Aspect mélodique (Raga)
  2. Aspect rythmique (Tala)
  3. Contenu poétique (Pada)

 

Traductions et différences entre la musique occidentale et indienne :

Musique occidentale Musique indienne
Modale (modes majeur/mineur) Tonale (défini par une tonique = note fixe)
Mesure Cycle
Partition  Improvisation
Orchestrale Soliste 
 Do Ré Mi Fa Sol La Si  Sa Re Ga Ma Pa Dha Ni
 Demi-ton Swara
Micro-ton Shruti
 Mélodie Raga
 Rythme Tala
 Ornements Alankar (glissando, oscillations)
Mode (majeur/mineur) Thaat (au Nord) ou Melakartha (au Sud)

 

Improvisation :

La musique indienne se base essentiellement sur l’improvisation, il n’y a pas de partition.

Cependant les règles d’improvisations sont strictes, on ne fait pas n’importe quoi non plus !

Avant les concerts les musiciens ne répètent pas au sens occidental du terme, mais ils pratiquent ensemble.

Parfois les musiciens apprennent par cœur certains passages entiers d’une mélodie ou structures mathématiques.

Ils improvisent ensuite soit chacun leur tour en se donnant la parole par des hochements de la tête soit ensemble lors du climax (point culminant à la fin d’un raga).

Exemple d’improvisation entre un soliste(1)/percussioniste(2) :

(1) joue « Refrain »  et (2) « S’envole »

OU

(1) joue « Cycle » et (2) « S’évade »

 

Instruments :

Dans la musique indienne l’instrument principal est la voix.

En effet la voix est considérée comme un instrument à part entière et le chanteur montre ses talents par ses figures de styles : vocalises, modulations, glissandos…

Ensuite les instruments se classent en 3 catégories :

Cordes :


Le Santoor


– Inde du Nord
– plus de 100 cordes
– frappé avec 2 petits maillet

Le Sarangi

– 3 ou 4 cordes principales
– 35 ou 40 cordes résonnantes
– cordes frottés par un arc



Le Sarod

– 10 cordes métalliques

Le Sitar

– 20 frettes

– 6 ou 7 cordes à jouer



La Tanpura


– 4 à 6 cordes
– maintient en « bourdon » la tonique
– rôle fondamental dans l’atmosphère sonore d’un raga

La Veena

– ancêtre du Sitar et du Sarod



Le Violon

– adapté pour les nuances et les éclats de la musique indienne


Vents :

Le Shehnai

– équivalent du Hautbois

– caractérisé par des glissandos, de longues tenues, modulations, vocalises

La Flute

– traversière en bambou

Percussions :

Le Mridangam

– tambour horizontal et biface

– Inde du Sud

La Pakhawaj


– équivalent du Mridangam
– Inde du Nord

Les Tablas

– 2 petits tambours

– se joue avec les paumes de la main et avec le bout des doigts

 

Système de comptage :

Il existe en Inde l’équivalent de l’Octave en occident, c’est le Saptak => Sa Re Ga Ma Pa Dha Ni

Les subdivisions (demi-tons) sont appelés Swaras, il y a 12 Swaras en tout => Sa Re Re Ga Ga Ma Ma’ Pa Dha Dha Ni Ni Sa

Notes soulignés = bémol (diminution de la note de 1 demi-ton)

Notes avec  »  » = dièse (élévation de la note de 1 demi-ton)

Le Swara n’a pas de hauteur fixé contrairement en occident où le « la » est fixé à 440 Hz.

 

Pour compter les temps les musiciens utilisent des gestes rythmiques avec leurs mains et leurs doigts.

La main gauche est ouverte paume en haut et reste immobile tandis que l’autre main se déplace sur la main précédente en suivant le cycle : paume/doigt/en l’air/poignet

Les 4 doigts (pouce, index, majeur, annulaire) sont utilisés pour compter les temps d’une façon précise.

 

Raga (mélodie) :

  • Signifie « passion« , « couleur« , « attachement« 
  • Combinaisons de 5 à 7 notes avec des ornementations (varnas)
  • Thème que l’on retrouve tout au long du morceau et sur lequel on peut improviser
  • Indique la manière dont les notes seront joués et l’humeur du musicien
  • Lié à une émotion/saison/moment de la journée

 

Le thème d’un raga comprend 2 parties :

  1. Aroha : partie ascendante => Sa Re Ga Ma Pa Dha Ni
  2. Avaroha : partie descendante => Sa Ni Dha Pa Ma Ga Re Sa

 

Ex : Le raga « Puriya-Kalyan »

  • basé sur le mode (thaat) Khalyan => Sa Re Ga Ma’ Pa Dha Ni Sa
  • utilise 6 des 7 Swaras => Sa Re Ga Ma’ Dha Ni Sa
  • Aroha = NiRe2 Sa2 Ga2 Ma’2 Dha2 Ni2 Re3 Sa3
  • Avaroha = Sa3 Ni2 Dha2 Ma’2 Ga2 Re2 Sa2

Remarque : les indices « 1, 2, 3 » correspondent aux octaves grave/médium/aigu.

Le raga est accompagné d’une rythmique : le tala.

 

Tala (rythme) :

  • Cycle rythmique qui soutient un raga
  • Sum = 1er temps d’un cycle : signal de ralliement où les instrumentistes se rejoignent
  • Le tambour (pakhavaj/dholak/tabla) est l’élément indispensable à l’expression du rythme
  • Rythme de 3 à 108 battements
  • Les Talas sont différents au Sud du Nord

Tala hindustani

Remarque : 2 talas peuvent avoir le même nombre de battements mais avec des divisions différentes.

Ex : une chambre de 16m² = 

  • 2 x 8 m
  • Ou 4 x 4 m
  • Ou 16 x 1 m

Ex 2 : cycle rythmique à 14 temps =

  • 3 + 4 + 3 + 4 (tâla Dipchandi)
  • Ou 5 + 2 + 3 + 4 (tâla Dhamâr)

 

Il existe plusieurs formes de Tala :

  1. Marga Tala => accompagné de frappement de main
  2. Desi Tala => Accompagné de danse
  3. Tala Kriya => Accompagné de gestes rythmiques

 

Différences entre musiques Hindoustani/Carnatique :

Hindoustani (Nord) :

  • Développé sous l’influence de l’Islam, des Moghols et de la musique pakistanaise
  • Instrument principal : le SitarSitar instrument musique indienne
  • Accompagné de TablaTablas instrument musique indienne
  • Le musicien principal commence le concert par une longue intro en solo
  • Développe l’expression et le sentiment
  • Il y a 10 Thaats (l’équivalent des modes majeur/mineur en occident)

Il existe 3 formes vocales :

  1. Le Dhrupad : 
    • la plus prestigieuse encore chantée aujourd’hui
    • grande rigueur technique
    • commence par un lent prélude exposé par le chanteur
  2. Le Khayal :
    • la voix du chanteur peut s’étendre sur 2 ou 3 octaves
    • vive imagination
    • prélude + poursuite avec un poème lyrique religieux ou romantique
    • un bhajan (poème dévotionnel chanté dans les temples hindous) conclut le récital
  3. La Thumri :
    • musique légère classique
    • morceau court
    • thème de la séparation/réunion des amants

Au nord, un raga se décompose en 3 parties :

  1. L’Alap => intro lente du soliste sans percussion, exposition des caractéristiques modales, présente le mode et l’humeur
  2. Jod => intro de la pulsation rythmique et accélération, ornementations de plus en plus complexes
  3. Jhala => mouvement final très rapide et dissolution brutale lors du climax (point culminant)

 

Carnatique (Sud) :

  • Vision beaucoup plus mathématiques avec des divisions complexes
  • Instrument roi : VînâVeena instrument musique indienne
  • Accompagné de Mridangam
  • Texte composé en sanskrit
  • Les musiciens improvisent ensemble selon des formules mathématiques
  • Met l’accent sur la structure et l’improvisation
  • Les modes sont appelés les Melakartha
  • 72 ragas de base

Structure d’un concert carnatique :

  1. Varnam => pièce d’ouverture (échauffement pour les musiciens)
  2. Demande de bénédiction => échange entre le raga/tala mélangés avec des hymnes (krithi)
  3. Le Pallavi => thème du raga

 

L’atelier avec Prabhu Edouard :

Au début Prabhu nous a expliqué les fondements de la musique indienne, à savoir l’improvisation, les ragas, les thaats, le comptage des temps avec les mains…

Ensuite on s’est séparé en 2 groupes dans 2 salles différentes avec des instruments différents pour travailler plus efficacement.

Voici quelques photos prises lors de l’atelier, avec Prabhu sur scène et les 12 participants en face.

Pendant l’atelier avec Prabhu nous avons travaillé sur le tala Tîntâl, l’un des rythmes les plus utilisés.

Tala indien Tîntâl

Il se décompose en 4+4+4+4 temps.

Teental tala musique indienne

Pendant le concert les participants improvisent chacun leur tour mais uniquement entre les temps, allez voir les vidéos à la fin 😉

Bhairav Fast :

thaat indien bhairav fast 2

Riff sortie bhairavthaat indien bhairav fast 1

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons travaillé sur un thaat en particulier : le Bhairav Fast

Le cycle consistait à jouer 2xA puis 1xB, avec des moments sans batterie et d’autres moments avec batterie pour amener du relief à la tourne.

Les musiciens accompagnaient le chant en suivant les rythmiques du tableau. Les lettres (‘S’, ‘R’, ‘M’…) sont les raccourcis pour « Sa » « Re » « Ma »… et les tirets « _ » sont les silences.

Quelques chants indiens :

Chant indien 1

Chant indien 2

Chant indien 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le concert :

Voici quelques vidéos du concert, avec du chant, des parties instrumentales et de l’improvisation :

 

Sources :

Crédit photo : 

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